En 2018, la culture afro-caribéenne voyait apparaître pour la première fois un digne représentant dans le monde des mangas avec La Planète Takoo. Né de l’esprit inventif de Teeyandee, l’auteur a destiné ce kemty au grand public et le Mag’ison souhaite vous faire découvrir cette œuvre qui sort des sentiers battus. Fermez les yeux et laissez-vous guider dans le désert mystique de Dzielo…
Pour commencer, peut-être un mot “kemty” énoncé plus tôt vous a-t-il surpris. Ce terme est la contraction de deux mots issus de la langue pharaonique, “kem”qui signifie “noir” et “ty” qui veut dire “image”. Ce mot désigne un genre de bande dessinée du monde noir qui se base souvent sur des légendes africaines et dont les codes sont ceux des shōnens nekketsu japonais. Pour Teeyandee, qui se revendique comme un afro descendant né aux Caraïbes et plus précisément en Guadeloupe, cela lui tenait à cœur de raconter une histoire qui mettait en avant sa culture, sa langue, des personnages qui lui ressemblent, le tout dans un univers qu’il a créé de toutes pièces. Ainsi, son histoire prend place dans le désert de Dzielo où l’on suit principalement Thaji, Thakio et Thaya, des triplés âgés de 7 ans qui rêvent d’aventure mais qui n’ont jamais rien vu de plus intéressant que les grains de sables envolés par le vent. Un jour cependant, alors qu’ils contemplaient le ciel, ils voient une énorme goutte d’eau s’abattre en amont des dunes. Sur le lieu de l’impact, les trois curieux découvrent le corps inanimé d’un étrange individu… Quel mystère cache-t-il ? C’est là toute la question !
La Planète Takoo est un manga dépaysant à bien des égards, à commencer par son cadre. Loin du Japon ou des pseudo-Tokyo, le récit se déroule dans un vaste désert qui s’étend à perte de vue et dans lequel le soleil brûle la peau. La nuit, ce sont trois lunes de tailles différentes presque irréelles qui illuminent le ciel de leur lumière blanche. Boucliers, lances, sceptres, tenues aux allures ancestrales et futuristes, tous ces éléments mélangés à cet environnement atypique sont un vrai souffle d’air frais quand on est habitué à suivre des histoires qui se déroulent dans les grandes métropoles bitumées nippones ! De plus, le titre fait preuve d’une mythologie riche qui attise la curiosité du lecteur et le pousse à continuer à lire. Les légendes épiques que raconte Thioro, le grand-père des triplés, sont fascinantes car elles nous renvoient à une époque révolue à laquelle la transmission orale avait beaucoup de valeur et où, pour se divertir, les enfants n’avaient pas les yeux rivés sur leurs écrans mais utilisaient de leur imagination. Cependant, le mangaka apporte également une touche réelle à son scénario avec la mécanique des combats. Oubliez les traditionnels pouvoirs de feu ou de foudre et faites place au djokan ! Si vous n’aviez jamais entendu le nom de cet art martial, sachez qu’il fut créé en 2010 en Guyane française et qu’il est la synthèse de savoirs guerriers amérindiens, bushinengués et créoles. Teeyandee s’en est donc donné à cœur joie afin de mettre en scène des affrontements dynamiques et spectaculaires avec une grande précision dans le dessin. Le Guadeloupéen n’hésite pas non plus à utiliser ses bagages de professeur d’arts appliqués afin de rajouter des détails qui améliorent l’harmonie de ses planches.
Pour une expérience de lecture unique, le format de la version papier du manga dépasse le traditionnel 12×18 cm pour un 14,8×21 cm. Une aubaine pour apprécier au mieux cette œuvre qui en est déjà à quatre tomes et dont une campagne de financement participatif a été lancée le 13 février pour le cinquième tome. La Planète Takoo, le manga qui vous donnera envie de plonger dans la lecture des vieilles légendes des Caraïbes !