La vraie meilleure Blanche-Neige
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La vraie meilleure Blanche-Neige

Alors que le dernier film Blanche-Neige avec Rachel Zegler et Gal Gadot revisite une fois de plus le célèbre conte des frères Grimm avec un succès limité, il est bon de se rappeler que cette histoire de jalousie, de métamorphose et de renaissance a déjà inspiré des œuvres bien plus audacieuses. L’une des plus étonnantes adaptations reste sans doute Prétear – La nouvelle légende de Blanche-Neige (Shin Shirayuki-hime Densetsu Pretear), un anime et manga japonais méconnu mais captivant, qui réinvente le mythe dans un style « magical girl » à la fois tendre, drôle et tragique.

Créé par Junichi Satou (Sailor Moon, Kaleido Star) et illustré par Kaori Naruse, Prétear est une série en quatre tomes (éditée en France par Taifu Comics) et un anime de 13 épisodes (disponible chez Dybex). Derrière son apparente légèreté se cache une histoire étonnamment riche en émotions et en sous-textes. L’histoire se déroule à Hojo City, ville utopique fondée par une puissante famille d’industriels. Himeno Awayuki, notre héroïne, est une adolescente qui tente de s’adapter à une nouvelle vie familiale : son père, écrivain rêveur, s’est remarié avec Natsue, une femme riche et autoritaire, ce qui fait de Himeno la belle-fille d’un monde qu’elle ne comprend pas. Maltraitée par sa demi-sœur Mayune, rejetée par ses camarades de classe, Himeno donne l’image d’une Cendrillon moderne, en colère et perdue. Mais tout bascule lorsqu’elle rencontre les Chevaliers du Leafe, gardiens d’une énergie vitale indispensable au monde. L’un d’eux, Hayate, froid et distant, devient bien vite l’objet d’un lien complexe avec la jeune fille. Himeno apprend qu’elle est la Prétear, une princesse destinée à fusionner avec les chevaliers pour protéger la Terre de Fenryl, la princesse du désastre, incarnation d’une souffrance autrefois humaine…

Là où Prétear se distingue des autres animes du genre, c’est dans son mécanisme central : Himeno fusionne littéralement avec les chevaliers pour acquérir leurs pouvoirs. Ce processus symbolique, qui évoque l’intimité, la confiance et l’acceptation de soi et des autres, est traité avec pudeur mais aussi une intensité rare dans les animes de ce type. Chaque fusion déclenche une transformation stylisée à la Sailor Moon, mais avec une esthétique plus poétique. À travers cette métaphore, Prétear explore des thèmes plus profonds qu’il n’y paraît : la peur de la solitude, le deuil, le rejet, et la complexité des liens familiaux et amoureux. L’intrigue de Prétear se déroule rapidement mais avec efficacité. Les premiers épisodes posent un cadre classique, avant de laisser place à des rebondissements inattendus et des révélations poignantes sur le passé des personnages, en particulier celui de Fenryl. Cette dernière n’est pas qu’une simple antagoniste : elle est l’ombre d’un traumatisme, une ancienne Prétear déchue dont la douleur a été ignorée.

Cependant, malgré ces bonnes idées, certains points faibles subsistent. L’action est parfois expédiée, certains combats manquent d’intensité, et la courte durée de l’anime empêche de développer en profondeur l’ensemble des personnages – une quinzaine au total, dont seuls cinq bénéficient d’un vrai développement psychologique. Visuellement, Prétear accuse légèrement le poids des années. Sorti en 2001, l’anime présente des décors parfois fades et des arrière-plans peu inspirés. En revanche, les character designs sont réussis : les tenues sont inventives, les expressions faciales bien animées, et les transformations offrent de jolis moments de grâce. L’atmosphère oscille habilement entre scènes douces et moments dramatiques, toujours accompagnée d’une musique correcte, bien que peu mémorable, à l’exception des génériques qui restent agréables.

Le duo Himeno/Hayate fonctionne selon la formule bien connue du « je t’aime, moi non plus » chère aux animés romantiques. Leur relation évolue lentement, de la méfiance à la complicité, en passant par de belles scènes de vulnérabilité partagée. Les autres chevaliers – Sasame, Kei, Go, Mannen… – apportent chacun leur touche d’humour, de sagesse ou de tension dramatique. Mais là encore, le format trop court limite leur développement. Dommage, car certains avaient un vrai potentiel.

Prétear reste une œuvre charmante, qui mérite d’être redécouverte. Elle s’adresse aussi bien aux amateurs de magical girls qu’à ceux qui recherchent une histoire sincère, portée par une héroïne attachante et résiliente. Et alors que le cinéma continue de nous livrer des versions lisses de Blanche-Neige, il est réconfortant de constater que l’animation japonaise a su, dès 2001, en proposer une relecture profonde et originale.

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