RedFlower le shōnen franco-ghanéen qui fait fleurir les légendes !
Kbooks - Lee Yunji

RedFlower : le shōnen franco-ghanéen qui fait fleurir les légendes !

Dans la grande jungle du manga, une nouvelle pousse se fraie un chemin à coups de baobabs, de rituels initiatiques et de spiritualité animiste : RedFlower. Signé par Loui, un artiste franco-ghanéen passionné, ce manga édité chez Glénat bouleverse les codes du genre à coups d’esthétique japonaise, franco-belge, le tout parfumé à la richesse des mythes africains. Prêts à plonger dans un univers inédit où la sagesse ancestrale affronte l’ombre d’un cataclysme prophétique ? On vous emmène à la découverte du monde vibrant et indomptable de RedFlower avant de vous livrer une interview exclusive de son auteur.

Mais RedFlower, de quoi ça parle ?

L’histoire suit Kéli, jeune adolescent fougueux et un brin rebelle, qui ne rêve que d’une chose : accomplir le Katafali, un rituel initiatique censé faire de lui un homme. Problème : la philosophie pacifique de sa tribu entre en conflit avec ses élans belliqueux… Tout bascule quand Anansi, le sorcier du village, a une vision d’apocalypse. Une invasion étrangère menace leur terre sacrée, portée par des ennemis aux pouvoirs mystérieux et redoutables. Le dilemme est posé : comment se défendre quand on croit à la non-violence ?

Cet univers germa dans la tête de Loui, 30 ans. Avant de manier le crayon, il voulait déjà être conteur. Grand lecteur, il rêvait d’épopées fantastiques et d’aventures grandioses. Enfant au Ghana sans accès à Internet ni télévision, il découvre tardivement le manga… mais c’est un choc. Vers 19 ans, il tombe amoureux du médium, fasciné par sa capacité à raconter sans mots. À 21 ans, il se lance dans le dessin et ne s’arrête plus. Ses influences ? Un mélange explosif : James Cameron et Guy Ritchie pour l’intensité visuelle et pour le rythme narratif, Lanfeust, Tintin, Astérix, mais aussi les récits puissants de Vagabond, Vinland Saga ou Dr. Stone. Pour ce qui est du Katafali, c’est un art martial imaginé par Loui, ancré dans les principes qu’il chérit. Inspiré de la Capoeira, il allie danse, maîtrise de soi et spiritualité. Chaque posture du Katafali questionne notre rapport au monde : faut-il s’adapter comme l’eau ? Être solide comme la roche ? Chercher le dialogue ou faire face ? Ce système de combat est au cœur de l’apprentissage de Kéli, qui devra mûrir pour espérer défendre les siens.

Avant RedFlower, Loui a publié RedFlower Stories, deux tomes en autoédition. Chacun offrait un conte court, inspiré des légendes ouest-africaines, explorant des thématiques variées avec des personnages marqués par son vécu. Ce laboratoire narratif l’a amené à bâtir une histoire plus ambitieuse, avec cinq volumes en vue, dont le premier est sorti chez Glénat en juin 2023. Ce changement lui a permis de se libérer des contraintes logistiques et de se concentrer à fond sur la création, d’autant plus qu’il reconnaît que le soutien de son éditeur Benoît Cousin l’aide aussi à garder du recul et à peaufiner narration et enchaînements.
Maintenant que vous en savez plus, place à l’interview du maestro !

Le Mag’ison : Salut Loui, comment ça va ? Quand tu imagines une scène dans RedFlower, penses-tu d’abord en mots, en images ou en sons ?

Loui : Salut ! Ça va au top ! Souvent, ça part d’une idée, d’un dialogue. Mais très vite, tout devient visuel. Je me demande toujours comment la scène rendrait en animation. C’est devenu un réflexe. C’est sûrement lié à ce que j’ai appris au Japon auprès de Nao Yazawa : cette manière de penser les scènes comme des séquences animées, avant même de poser un mot. Le storyboard est d’ailleurs ce qu’il y a de plus complexe. Je peux passer une heure sur un dessin, mais trois ou quatre heures sur un seul storyboard. Même le plus beau dessin ne peut pas rattraper un mauvais cadrage. Il faut répéter, répéter… c’est ça qui aide à apprendre.

Le Mag’ison : Ton parcours t’a mené du Ghana à la France, puis au Japon. Comment cela a-t-il influencé ta façon de concevoir le manga ?

Loui : Oui, clairement. Il y a eu cette ambition qui m’habite depuis toujours : raconter des histoires universelles. Je suis issu d’une famille franco-ghanéenne, j’ai grandi entre plusieurs cultures, et ça a façonné ma manière d’écrire. J’ai naturellement créé une tribu dans RedFlower, et je puise dans mes racines africaines. Par exemple, dans le tome 2, un nouveau personnage s’inspire d’Anansi l’araignée, un esprit malin que j’adore. C’est un peu l’équivalent du renard dans les contes de La Fontaine.

Le Mag’ison : Y a-t-il un autre mythe africain que tu comptes intégrer dans ton manga ?

Loui : Oui, la légende du baobab par exemple. C’est un arbre sacré, et il existe beaucoup de récits autour de son origine. Je connais déjà la trame narrative des cinq tomes de RedFlower, mais je peux encore être surpris. C’est un conte initiatique, autant pour Kéli… que pour moi.

Le Mag’ison : En tant qu’auteur avec une double culture, comment cela influence-t-il tes personnages ou leurs dilemmes moraux ?

Loui : Ma double culture me pousse à chercher l’universalité. J’ai grandi avec les fables de La Fontaine, Homère, et aussi les récits traditionnels africains. Mes personnages sont souvent tiraillés entre deux mondes, deux visions. Ce n’est pas pour faire joli : c’est une réalité que je connais. Je veux qu’on puisse s’y reconnaître, peu importe d’où on vient.

Le Mag’ison : Beaucoup de jeunes mangakas rêvent du Japon mais redoutent ses standards. Que leur diriez-vous ?

Loui : Je leur dirais : commencez en France. C’est l’un des meilleurs marchés au monde. Mais si vous voulez apprendre en profondeur, le Japon est une mine d’or. On y vit manga, on y respire manga. L’accès à la culture, aux musées, aux ressources… tout est plus dense. Même en ligne, il y a une richesse incroyable.

Le Mag’ison : Si RedFlower était adapté en anime, quel style visuel ou musical souhaiteriez-vous ?

Loui : Je n’ai pas des milliers de références, mais j’aime beaucoup l’univers d’Avatar. J’aimerais retrouver cette richesse dans les ethnies, les gestes, les détails. Il y a aussi Afro Samurai qui m’a marqué.

Le Mag’ison : Une difficulté dont vous êtes reconnaissant aujourd’hui ?

Loui : Oh, il y en a plein. J’ai longtemps fait des choix de cadrage trop simples, presque scolaires. Je ne comprenais pas l’impact de la mise en scène. Pareil pour l’impression, la gestion des formats… Parfois je fais même exprès de faire des erreurs pour apprendre. Les erreurs sont mes meilleurs profs.

Le Mag’ison : Comment la philosophie pacifique dans RedFlower résonne-t-elle dans votre propre passage à l’âge adulte ?

Loui : Quand j’apprenais le karaté, mon sensei disait : « On apprend à se battre… mais pas pour se battre. » C’est resté. Même dans le krav maga, l’idée n’est pas la violence. RedFlower explore ce moment où un jeune se confronte aux traditions de son peuple. Moi-même, je me pose encore des questions : c’est quoi la maturité ? Quel droit avons-nous à chercher asile ailleurs ? Et qui sommes-nous pour refuser ça à d’autres ?

Le Mag’ison : Vous avez eu un choc en découvrant One Piece à 18 ans. Quel manga récent vous a procuré ce sentiment de révélation ?

Loui : À vrai dire, j’ai un peu d’amertume. Parce qu’avec le temps, mon style est devenu plus exigeant, plus technique. Mais le choc avec One Piece reste gravé. J’avais grandi avec la BD franco-belge, et là, je découvre des planches où les cases sont en diagonale, les personnages immenses, une liberté folle ! Plus on découvre l’univers, plus on veut s’y perdre, comme dans Le Seigneur des Anneaux. Le personnage d’Ace m’a bouleversé. Aujourd’hui, certains mangakas doivent produire si vite que leur dessin perd en intensité. Et je comprends : moi aussi, je subis le rythme.

Le Mag’ison : Si vous pouviez parler à l’adolescent que vous étiez, juste avant de découvrir One Piece, que lui diriez-vous ?

Loui : Je lui dirais de ne jamais douter. D’y aller à fond, tête baissée. On se fait tout un film sur ce qui pourrait mal tourner… mais au pire, ça ne marche pas. Ce n’est pas grave. J’ai toujours été entrepreneur dans l’âme. J’ai eu des critiques, surtout dans le milieu de l’autoédition. Mais ma famille m’a soutenu, j’ai développé une bonne méthodologie. Aujourd’hui, je suis reconnaissant à ceux qui m’ont cru.

Le Mag’ison : Un dernier mot pour vos lecteurs ?

Loui : Merci. À ceux qui me soutiennent, qui parlent de RedFlower autour d’eux, qui sont patients… ma gratitude est immense. Si ce manga a touché des gens jusque dans mon pays natal, c’est grâce à vous.

Entre philosophie martiale, folklore africain, crises existentielles et batailles spirituelles, RedFlower promet de continuer à nous divertir. Encore un grand bravo à Loui pour son travail. Toute l’équipe du Mag’ison lui souhaite le meilleur pour l’avenir.

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